Touche pas aux n'Ainés (Suite 2)

Le silence pour seule compagnie, Kagero s'enfonçait dans le décor somptueux qu'offraient ses montagnes. En tant qu'artiste passionnée, la Geisha ne pouvait pas s'empêcher d'admirer ce duo étonnant que formait la roche et la flore. Dans une rare harmonie, ces deux entités se sublimaient et se protégeaient mutuellement. Au vu de ce lien intemporel, imperméable à la vigueur des éléments, l'âme poétique ne put retenir son esprit fécond. Pour elle, cette symbiose illustrait parfaitement le village de Kumo. La roche, de part sa fermeté et ses formes abruptes, représentait le puissant clan Hattori. La végétation, elle, bien plus souple et plus variée, était le symbole de l'importance des autres clan, l'assurance d'une certaine pérennité et d'une hégémonie sans pareille. Malheureusement, la réalité ne tarda pas à briser ce charmant portrait. Dans un fracas conséquent, un léger éboulement menaça la kunoichi.

Cependant, si la femme aux nattes blanches avait laissé son esprit vagabonder, ses réflexes n'en étaient pas moins réduits. D'un vif saut, elle évita le danger et examina aussitôt les environs, suspectant une embuscade. Mais dans les environs, aucune trace d'activité humaine ne fut détecté. Tout ceci n'était donc que le fruit du hasard. Perplexe, Kagero reprit la course à une allure plus mesurée. Ses sens étaient encore plus à l'affût. Son regard balayait les alentours du chemin de terre. Tous les mouvements se retrouvaient scrutés et analysés. Ainsi, rien ne pouvait lui échapper. C'est alors que des pas se firent entendre, il s'agissait sûrement de son futur partenaire.

Malgré sa réactivité, son camarade de mission ne lui laissa pas le temps de se retourner. Profitant de l'effet de surprise, l'Hattori lui asséna alors une menace à peine voilée. La violence de ce moment, plongea la Miwaku dans un conflit intérieur extrêmement virulent. En tant que servante de l'Empire, la docile quarantenaire connaissait sa place et ses droits. Même si elle avait tenté de se montrer habile, elle s'était montrée particulièrement revêche. Or, ce comportement n'était pas toléré dans la dure cité de Kumo. L'injustice de la situation et l'amateurisme de deux Hattori, ne pouvaient pas justifier une rébellion. Pas dans ce monde. Une pointe de regret germa dans son cœur.

Face à cela, le caractère impulsif de Kagero et son désir ardent de changement brûlaient d'une passion nouvelle. Ses actes, étaient de son point de vue légitime. C'était l'égoïsme et le manque de civisme de ses immatures qui étaient répréhensibles. Comment accepter de tels comportements ? En quoi avaient-ils agi pour le bien de cette mission ? Ils ne faisaient que vociférer ou réduire les autres au rang d'objets. Peut-être étaient-ils inconscients du mal qu'ils produisaient. Sans le savoir, ses chiens de garde semaient les graines de la discorde et de l'effondrement de Kumo. Cette situation était insupportable. Se taire trop douloureux. Pourtant, la kunoichi se contenta de jeter un œil sévère vers le représentant de l'ordre.



Après ce bref jugement, elle usa d'un pinceau pour écrire sur un papier quelques notes. A l'abri des regards, elle y couchait sa vision des faits. Une sorte de testament à l'adresse de la futur Kumo, cette nation libérée de ses dogmes suprémacistes. Cela ne prit que quelques secondes, la note se voulait courte.

L'impérieux rocher est aveugle aux remous du temps. Son lit verdoyant, lui, croît sans cesse.
L'avenir des Monts est en péril, le minerai ne peut plus ignorer le végétal.
L'éboulement n'est plus une chimère, mais un danger imminent.
La chute, peut-elle être stoppée ? Je l'espère.

Après cet étrange moment, les deux guerriers arrivèrent à leur destination sans encombre. Faisant preuve de soumissions, la brune garda le silence et se rangea derrière son "maître temporaire". En son être, un tourbillon cataclysmique faisait rage. Pourtant, rien ne paraissait sur son visage impassible.

Le regard que la kunoichi lança à Takai pour seule réponse prouvait, selon lui, la véracité de ses propos. Elle ne connaissait absolument rien du jeune homme. Malheureusement les iris dorées de ce dernier suffisaient bien souvent aux membres de autres clans pour se faire une première impression sur lui, une première impression aux tendances tenaces. Peut-être cependant aurait-il du se montrer moins ferme à son égard et user de diplomatie pour calmer son hostilité. Cependant il n'avait pas aimé son attitude et le fait qu'il soit un Hattori ne justifiait pas le fait qu'elle lui manque de respect, il n'avait pas choisi ses origines.

Il laissa un peu de temps passer après cet "échange", il fallait que les ardeurs se calment avant de tenter quoi que ce soit. Takai réfléchit à une façon d'aborder la conversation de manière plus pacifique. Il devait clairement prendre des pincettes avec la Miwaku, mais il était hors de question qu'il abandonne son honneur et qu'il se laisse marcher dessus. Ce n'est pas en salissant les Hattori que les autres clans obtiendront quoi que ce soit d'eux, ils devaient se montrer dignes de respect, pas insolents.

Juste avant que le groupe n'arrive a destination, le Hattori finit par briser la glace.



Il ralentit et observa l'enceinte de la maison de repos, cherchant déjà des yeux les traces d'effraction.



Sur ces mots il se dirigea vers l'entrée de la bâtisse pour y trouver quiconque gardait les lieux. Les sens en alerte, le regard dansant entre les rochers et la végétation autour du bâtiment, le Shinobi scrutait son environnement à la recherche de potentiel dangers ou premiers indices. Quelque chose clochait dans cette affaire, pourquoi s'en prendre à une maison de repos ?

Deux Kumojins approchèrent. Sakurako fidèle à elle-même, elle vint à la rencontre des deux jeunes.


La vieille femme le savait, de nombreux énergumènes vivaient aujourd'hui au village. Elle était bien heureuse de se reposer dans ce lieu jadis agréable. Elle reprit :


L'ancienne se trouvait à l'entrée du bâtiment, la porte n'était pas réparée et semblait s'être fait totalement détruire par un coup net et précis. Les débris étaient encore présents, elle marchait sur les restants de cette porte.

Face à la vieille Hattori qui venait les accueillir, Takai s'inclina avec le plus grand respect et la plus grande formalité.



Le Shinobi se redressa ensuite et posa les yeux sur les restes de la porte qui semblait avoir été fracassé d'un seul coup.



La priorité était de juger de l'état de la personne inconsciente, ensuite il fallait réunir des indices et recueillir le témoignage de la vieille dame pour tenter d'en savoir plus sur l'attaque.



Takai parlait calmement, il ne voulait pas presser la vieille dame ou lui manquer de respect. Ce lieu était une retraite paisible pour leurs honorables ainés et il ne voulait pas créer encore plus d'agitation après l'attaque.

Un lourd et intense soupir succéda à la tentative d’apaisement de l’Hattori. Dans ce geste réflexe, ne se trouvait aucun dédain, ni même aucun agacement. Non, Kagero était seulement lasse de ce monde et des incompréhensions qu’il provoquait. Un changement radical se faisait pressant. En effet, les Hattori ne comprenaient véritablement rien. Aveuglés par leur manque de confiance et d’empathie, ils en oubliaient les complexités du cœur humain. Le monde n’était pas aussi binaire que le présentait ce jeune fougueux. Les yeux clos, la Geisha cherchait les mots justes. Ce n’est que lorsqu’ils virent la bâtisse meurtrie, que la Miwaku fit son ultime confession.



Lorsque la porte éventrée fut en vue, la belle brune se rangea dans l’ombre de l’homme aux iris d’or. Par chance, ils n’eurent pas à attendre longtemps : une femme d’un certain âge vint les accueillir froidement. Par réflexe conditionné, la kunoichi fit une profonde révérence en signe d’humilité et de soumission. Visage tourné vers le sol, l’oreille attentive, la docile quarantenaire attendait un ordre de la part de ses « maîtres ». Le ton de l’aînée était cinglant et ses reproches injustes. Pourtant, Kagero resta totalement impassible.

A l’évocation de ses dons, la médecin se redressa. Le port noble et le regard ferme, la femme aux chaînes invisibles se montrait particulièrement disponible et prompt à l’effort. Son honneur de kunoichi médicale était en jeu après tout.



Une nouvelle révérence ponctua ces propos. La Geisha ne connaissait que trop bien le caractère des individus âgés, leur sens du respect et leur susceptibilité. Pour le bien de la mission, il fallait ménager ses êtres sensibles.

La vieille femme était aigrise de constater le manque d'efficacité de la nouvelle génération, ils préféraient bavarder de la pluie et du bon temps que d'arriver à temps. Le Kage était-il responsable d'un tel manque de zèle ? Cette maison de repos était un lieu bien spécial et de nombreux anciens dignitaires de Kumo vivaient ici. Par le passé, Sakurako s'était longtemps attelée à servir l'Empire mieux que quiconque pour finalement pouvoir se reposer ici suite à la mort de son mari.


La femme se baissa et observa un morceau de bois pour ensuite le porter à son nez et dire :


Elle se releva avec difficulté. La vieille était curieuse de constater le travail d'un Hattori et d'une Miwaku...

Takai avait écouté la complainte de la Miwaku sans sourciller. Si sont sentiment était légitime, il maintenait néanmoins qu'elle défendait assez mal sa cause et qu'il y avait une confusion entre le fait de déshumaniser les gens et d'utiliser leurs compétences de Shinobi. Lui-même, lorsqu'il était en mission était en quelque sorte une arme au service de son empire. Quoi qu'il en soit il n'avait rien rajouté.

Le Hattori préféra tourner son attention sur la vieille dame qui ne les ménageait pas avec ses paroles. Il l'observa plus attentivement alors qu'elle expliquait avec légèreté la version de la victime qui parlait d'un monstre. Lorsqu'elle se baissa pour ramasser un morceau de la porte et le renifler, le jeune homme haussa légèrement un sourcil.



Takai pénétra dans l'établissement, recherchant d'autres traces de l'intru sur le sol ou les murs à l'intérieur. Un animal aurait probablement laissé des traces de griffes visibles sur son passage. Peut être aussi quelques poils avec un peu de chance, il fallait ouvrir l'oeil pour détecter le moindre indice.

La vieille se mit alors à emplir ses poumons d'air frais.



La terre était à peine visible, mais la vieille était expérimentée en manière de profilage. Elle pouvait aisément reconstruire une scène d'un coup d'œil. Elle ne sourcillait pas et souriait comme pour narguer ses confrères.

Le regard bas, la kunoichi observait les débris épars. Ses savoirs n’étaient pas très denses, mais sa logique demeurait suffisante pour une telle tâche. Ainsi, tandis que les Hattori conversaient et essayaient de progresser dans leur réflexion, la Miwaku se permit d'interrompre son humble prosternation. Son geste était lent, gracieux même, et lorsque la danseuse retrouva enfin sa posture digne et droite, son attention se divisa. Une part d’elle, écouta minutieusement les conclusions des deux êtres aux iris ambrés. Une autre part laissa sa curiosité diriger son regard. Plus que la roche et les bois brisés, la téméraire put observer qu’hormis l’entrée, rien n’avait été saccagé. L’acte était précis et dirigé, seul un être conscient aurait pu provoquer un tel assaut. La piste d’un animal sauvage, dirigé par ses instincts primaires s’éloignait. De plus, rien aux alentours ne supposait un chaos extérieur. Tout était bien trop net, trop propre. Même par peur, la faune n’agissait pas avec autant de précision.

Tout au long de cet entretien, l’inconnue usa de son verbe pour salir le clan de Kagero. Invoquant son sang-froid, la Miwaku garda ses lèvres closes. Seul son regard pouvait la trahir. Il ne comportait aucune animosité, mais on pouvait y déceler une énergie profonde et intense. L’étincelle qui semblait naître dans ses pupilles était d’un rare éclat. Décidément, la Geisha avait du mal à tempérer son caractère impulsif. Néanmoins, après que son camarade fut rentré dans la maison de repos, la brune aux nattes blanches se tourna vers l’esprit fin.



Un sourire germa sur le visage de la brune. Il répondait à celui de la vieille dame.



Un court silence suivit cette question. La méfiance régnait dans le cœur de Kagero. Cette affaire était étrange et le tempérament de la femme âgée n’aidait pas à pacifier l’âme de la Miwaku.

La vieille se mit alors à marcher dans l'énorme bâtiment. De nombreuses femmes étaient dans les couloirs avoisinants à observer la situation de loin.


Il était possible de distinguer que de rares vieilles n'étaient pas des Hattori, mais des membres du clan Miwaku. La vieille ouvrit alors une porte parmi de nombreuses dans ce long couloir. Elle se retourna vers le Hattori :


Malgré cela, elle décida de garder la porte ouverte, sûrement pour que cet homme puisse apprendre. Une vieille était couchée, c'était Ariko.


Elle ricana de s'être jouée de Kumo de la sorte. Soudainement, une jeune infirmière débarqua face au Hattori, elle passa à côté de lui et déposa une serviette mouillée sur le front de la vieille Ariko.





La chambre n'était ni trop grande ni trop petite, mais juste agréable. L'infirmière était une Miwaku qui venait de beugler sur une Hattori, les choses semblaient bien différentes ici.

La Miwaku parlait beaucoup, c'est certain. Mais son discours était pertinent et constructif, c'était une bonne chose de tenir tête au charactère bien trempé de la vieille dame pour le bien de l'enquête. Certes Takai était réfléchit et observateur mais du haut de ses 19 printemps, il avait de grosses lacunes de communication et il n'osait pas suffisamment sortir des schémas classiques ce qui limitait ses réflexions. Même si il invalidait mentalement certaines hypothèses de la kunoichi, les traces d'effractions rendant peu probable la piste d'un conflit interne, il écoutait malgré tout les deux femmes avec l'humilité nécessaire à son apprentissage. D'ailleurs lorsque la grand-mère ne manqua pas de lui faire remarquer, il réagit avec un demi sourire.



Le Hattori accompagnait les deux femmes au travers des couloirs de la maison de repos, c'était un lieu de refuge tranquille et chaleureux pour ceux qui avaient passés leur vie au service de l'empire et qui avait atteint un âge suffisamment avancé pour mériter un peu de repos. Qu'est-ce qui était venu troubler la tranquillité des lieux ? Takai espérait que les témoins allaient leur en dire plus.

Et justement ils arrivèrent au niveau d'une petite chambre dans laquelle Sakurako s'engouffra en lui demandant de rester à la porte. Le Hattori obéit docilement en inclinant brièvement le buste et en se postant juste à côté de la porte, faisant face au mur opposé du couloir.



Il apprit en écoutant ce qu'il se passait dans la chambre que la vieille Hattori était également médecin. Elle avait l'air d'être une femme pleine de ressources, Takai n'en n'attendait pas moins d'une femme de son clan. Puis le jeune homme observa l'infirmière qui passait juste à côté de lui pour rejoindre la chambre à son tour, une Miwaku. Après avoir fait une remarque à Sakurako, elle livra son maigre témoignage à la demande de cette dernière. Le jeune Shinobi écouta, s'interrogeant sur ce que tout cela pouvait bien signifier. De la porte, il prit la parole alors qu'il regardait encore le mur du couloir.



Takai voulait savoir si cela rejoignait et renforçait la piste animale, mais il se posait aussi des questions sur cette fameuse fumée.



Répétant les paroles de la grand-mère.



Il regrettait que sa maigre expérience ne lui permette pas d'apporter des réponses pas lui-même. Mais il décida d'en faire quelque chose de positif, c'était une occasion d'apprendre. Il s'en accommoda et posait des questions pour tenter de faire avancer les choses à sa manière.

La vieille femme se mit alors à rire, le jeune Hattori semblait plus docile qu'il ne semblait l'être, chose plus que rare pour un membre de ce clan. Elle inspira puis expira.



La Hattori s'était découverte une drôle de passion pour les animaux et elle nourrissait bêtement les Tanuki en déposant du pain à la porte du bâtiment.



La vieille l'arrêta.