Malgré les bons mots à son égard, la geisha resta méfiante. Même si l'aînée semblait honnête, Kagero ne pouvait se résoudre à baisser la garde. Forte de son expérience, la kunoichi connaissait que trop bien, le caractère égoïste et manipulateur des Hattori. Pour arriver à leur fin, ils ne s'interdisent aucune ruse, aucun mensonge. Seul leur ego les guide et les tempère. C'est pourquoi, durant la suite des évènements, la brune se contenta de quelques révérences, de deux ou trois sourires timorés et ne prononça aucune parole.
Profitant de cette observation silencieuse, la veuve remarqua l'ambiance très particulière qui régnait dans ses lieux. Plus qu'une simple camaraderie décomplexé, les normes propres à Kumo étaient ici mis en parenthèse. L'atmosphère se voulait chaleureuse et bienveillante, c'était comme si dans les montagnes, loin du tumulte de la ville, les relations entre les divers clans s'étaient pacifiés. Peut-être que le rêve de la Miwaku pouvait s'inspirer de cette retraite apaisée ?
La polyvalence de la dénommée Sakurako était captivante. Son savoir dantesque, jumelé avec ses dons en médecine et en pistage, lui donnait une aura impressionnante. Cette femme âgée devait être une kunoichi d'élite dans le passé, un exemple pour les générations futures. Face à ce personnage atypique, Kagero se montrait particulièrement humble. D'ailleurs, elle avait décidé de s'inspirer de cette personne, de suivre ses pas, et si possible, ses enseignements. Néanmoins, le contexte ne se prêtait pas à une telle demande.
Durant le même laps de temps, les deux êtres aux yeux d'or évoquèrent des réminiscences du passé de Kumo. Au vu des dires de la retraitée, des fantômes propres à l'histoire de l'Empire s'étaient réveillés. Ne connaissant pas ses êtres de fumées, la kunoichi se prépara au pire. Des individus capables d'attaquer un lieu de repos représentaient une menace certaine. Quant aux tanuki, la prudence était de mise. Lentement, le groupe s'avança en direction du lieu indiqué par l'aînée. C'est alors que Kagero brisa son mutisme.
« Jouons cartes sur table. En ce lieu, vous n'êtes qu'une pensionnaire comme une autre, n'est-ce pas ? Pourtant, par vos connaissances et vos actions, vous avez rendu caduc bon nombre d'informations de l'ordre de mission. Alors, pourquoi perdre du temps à simuler un jeu de piste, si vous connaissiez déjà le dénouement de cette attaque ? A mon avis, votre cheminement de pensée ne date pas de notre arrivée, vos soupçons sont plus anciens. Si c'est le cas, vous qui regrettiez notre lenteur, n'avez-vous pas entraver le travail de vos camarades kumojin ? Ne voyez pas ma défiance comme une offense. Je connais seulement le monde des shinobis, et mon expérience me dicte de toujours être vigilante. Il ne faut jamais se fier à un sourire ou à un tendre visage. »
Malgré son ton neutre et son impassibilité, l'interpellation de la quarantenaire était quelque peu inquisitrice. Décidément, Kagero ne pouvait pas s'empêcher de douter et de remettre en question les informations qu'on portait à son attention. Faire confiance de façon aveugle n'était pas dans ses habitudes.