Visite nocturne

        Le quartier Chikara... La nuit tombante. Les enfants sont rentrés à cette heure-ci, pensait Len. Alors gamine Tsubasa est certainement à la maison elle aussi. Et c'est à cet instant qu'il décidait du programme de sa soirée. Après quelques instants, il arrivait devant chez elle et toquait à la porte. Il avait déjà remarqué la lumière à l'intérieur et guettait son arrivée. La porte aussitôt ouverte, il s'exclamait :



        Il lui attrapait l'épaule et la bousculait un peu pour pouvoir entrer. C'était plus de la taquinerie que de la vraie violence. La relation de ces deux-là étaient plutôt bonne, même si Len aimait bien jouer les chefs.

Le calme, la paix, la sérénité. On s'allonge, on profite, on soupire. On savoure ces rares moments où le village de Konoha semble s'endormir et plonger dans une période où la nuit apaise les tensions et les mœurs. Mais tout ceci n'est que mensonge. Tout est toujours là, grossièrement camouflée sous cet épais drap noir parsemé d'étoiles scintillantes. La mort, la haine, les cris et la peur. La rancœur. Tout est toujours là, pour toujours.
Assise face à sa fenêtre, Tsubasa réfléchissait au sens de la vie lorsqu'un bruit de bois frappé résonna dans son appartement silencieux. D'un bond, elle quitta sa place et vint ouvrir la porte pour découvrir un visage qu'elle connaissait trop bien. Ce sourire, ces longs cheveux ébène, ce regard profond...



L'effet de surprise passé, elle ne put retenir un demi-sourire blasé alors qu'il s'immisçait une fois de plus dans son espace vital.
Elle referma la porte derrière lui et s'en servit comme appui pour son dos, soupirant comme une vieille femme meurtrie par les années tandis que son regard suivait l'intrus. Avait-il dit qu'il avait appris quelque chose ? À quel sujet ? Quoi, où, quand ? Sa curiosité commençait déjà à être titillé par cette simple phrase. La brunette s'élança alors vers son interlocuteur et le toisa du regard.



Elle voulait savoir, elle en crevait d'envie de savoir mais sa fierté la forçait à se contenir encore un peu.

        Len poussait un soupire.



        Il s'interrompit une seconde et puis reprit avec une voix des plus douces :



        Et il lui offrait un charmant sourire agrémenté d'un petit clin d'oeil. Il aimait tellement la taquiner. Il la connaissait bien et il appréciait s'amuser avec sa patience qui était plutôt limitée par ailleurs. Il faisait semblant d'oublier pourquoi il était venu et lui donnait des détails sur sa mission. Puis il finit par dire simplement :



        Len commençait alors à reprendre un air un peu sérieux. Son regard semblait sûrement un peu perdu dans le vague.

Elle écouta attentivement les paroles du visiteur et n'hésitait pas sur leur hésiter. Devait-elle en être heureuse ou plus s'en inquiéter encore ? Un Uzumaki déserteur avait été rattrapé et expédié en prison mais qu'était devenu le Hokage, le chef des Chikara ? Où était-il, pourquoi n'avait-il pas donné le moindre signe de vie ? Peut-être parce qu'il l'avait perdu... Elle n'arrivait pas à croire qu'il aurait pu trahir Konoha, trahir les Chikara, trahir sa patrie et sa famille d'une façon aussi brutale et imprévue. C'était si...
Elle ne répondit que par une moue, songeuse, et ne fut extirpée de ses pensées que par le ton changeant et affreusement mielleux qu'avait pris son interlocuteur. Elle le fusilla du regard sans hésiter.



Ils réagissaient parfois comme de vrais gamins. L'amour vache, semblait-il. Le genre de liens rares qui ne se remarque que dans les faits. Machinalement, elle sortit deux petites coupes d'un placard situé à sa droite ainsi qu'une bouteille de Saké bien planquée derrière deux sacs de riz.

D'un bref coup de tête, elle invita Len à la suivre et s'avança jusqu'au coin salon où une table basse et de nombreux coussins trônaient paisiblement. Sur la table, quelques paperasses et rapports de missions qu'elle expédia d'un revers de la main.



Sous l'ironie se camouflait fort probablement une part de vérité. Après tout, en pleine nuit, avec de pareilles infos et une telle compagnie, que pouvait-elle faire de plus ?

        Len remarqua le soin avec lequel son amie cachait ses bouteilles et ne pu pas s'empêcher de se moquer d'elle encore une fois.



        Suite à cette petite blagounette, les deux énergumènes allaient s'installer dans le salon où Tsubasa pris ses airs défaitistes. Et la nouvelle de Len n'allait rien faire d'autre qu'enfoncer un clou. L'homme attrapa un coussin avant de le glisser sous son fessier, s'installant près de la table basse. Il attrapa la bouteille et rempli les deux verres. Il prit en main celui qu'il destinait à Tsubasa et le lui tendit pour l'inciter à boire. Le brun restait en silence. Il voulait qu'elle se détende un peu avant de lui apprendre la nouvelle...

        Il se saisit ensuite de sa propre coupe et vint la frapper doucement contre celle de son alliée. Il traîna le verre à ses lèvres et en bu quelques gorgées. Len lui lançait un regard perçant, sérieux. Un regard d'adulte. Et sans la faire marcher plus longtemps, il se décidait à dire :



        L'homme poussa un soupir, baissa un instant la tête, et conservant un ton froid, il ajoutait finalement avec fatalité :



        D'abord Yasuo, et puis Nakatsu, et maintenant Sayan. Les Chikara semblaient tomber comme des mouches. Mais que pouvaient-ils faire au juste ? Le clan n'était plus uni autour d'un leader et le moindre rebel se voyait éxécuter. Triste sort..

Il se moquait d'elle en plus. D'elle et des vieilles habitudes, d'elle et de ses bouteilles cachées, comme des démons qu'elle souhaiterait dissimuler au monde entier.
J'ai peur des voleurs
Avait-elle alors argumenté en espérant lui rabattre son caquet sur ce sujet sensible. Tsubasa était le genre de fille qui fait les choses à fond, sans modération. Et l'alcool, bien qu'elle ne souffrait pas d'une quelconque dépendance, ne faisait pas exception à la règle.
S'assayant en tailleur sur un des nombreux coussins, elle observa son ami et camarade faire le service d'un air intransigeant, prête à s'insurger de la moindre goutte qui tomberait hors de la zone d'atterrissage prévue.
Les verres pleins s'entrechoquèrent avant d'être portés aux lèvres de leurs propriétaires. L'alcool glissa sur son palet, sa langue, sa glotte mais ne put pousser plus son expédition du système digestif humain, recraché vivement sous le coup d'une déclaration foudroyante.



Des gouttes de Saké perlaient sur la table, le sol, et même un coussin s'en imbibait lentement mais elle s'en fichait. Elle venait d'apprendre le décès d'un de ses frères d'armes, d'un de ses amis, d'un Chikara.



Sans s'en rendre compte, elle s'était appuyé sur le rebord de la table et ses fesses avaient décollé de leur assise, la rapprochant de son interlocuteur et accentuant l'effet dramatique de la situation.

Sous le choc de la nouvelle, Tsubasa recracha tout son saké. Et ses poustillons n'épargnèrent guère le visage de l'homme qui se tenait près d'elle. Son visage se crispait un peu et il répliquait au quart de tour :



Len essuyait un peu son visage avec sa main et déjà Tsubasa semblait cogner des poings sur la table. Cette petite nana là avait le sang chaud, rien à voir avec une pleurnicharde comme on en voit souvent. La mort de Sayan aurait pu la morfondre. Elle n'en faisait rien. Ça réveillait seulement ses instincts de tueur. Tsubasa bronchait en s'appuyant vulgairement sur la table. Ainsi penchée, elle le laissait entrevoir certaines choses dans son décolleté. Il redressa alors la tête vers sa tête et lui lançait d'une voix mi-suave, mi-sarcastique :



Il se mit alors à rire doucement en s'imaginant qu'elle se redresserait à ce moment-là. Il pourrait alors répondre à ses questions.. Enfin... Avec le peu qu'il en savait était-ce seulement des réponses ?



Il soupira et concluais tristement :

Contrairement à mes habitudes d'homme célibataire solitaire, je cherchais un peu de compagnie en cette soirée triste et morose. Je ne voulais pas être seul ce soir. Je ne voulais pas, une fois de plus, me remettre à regretter le passé. Et tandis qu'une nuit noir et sans étoile semblait être le décor de ma promenade nocturne, je fis un crochet par le quartier résidentielle du Clan Chikara. J'avais envie de connaître l'état de santé de celui qui, pour une raison étrange, avait cherché à s'auto-mutiler devant moi. Cependant, ce fut une fois arrivé dans ce quartier qui m'était inconnu que je compris mon erreur. Je ne savais pas où ce Takeo demeurait.

Sans me démonter, je me mis à sa recherche grâce à mes talents de senseur. Mais rien n'y faisait. Il était nul part. Absent de ce quartier plongé dans le silence et l'obscurité. une veillé funèbre avait peut-être lieux me questionnais-je. Une autre question me vint alors à l'esprit. Si tel était le cas, qui pouvait bien être l'homme décédé ?

Chassant cette question de mon esprit, puisque ne me regardant en rien, je repris mes recherches afin de trouver l'homme répondant au nom de Takeo. Néanmoins, il me fallait sans doute de l'aide. Cherchant une demeure éclairée, je me mis à frapper à la porte de celle-ci



J'étais là, devant cette porte dans un quartier que je ne connaissait pas, habillé comme un parfait homme sans importance. J'avais laissé ma tenue verte chez moi afin de ne pas être reconnu dans durant cette promenade. Après tout, mon visage n'était connu que de peu de personne.

Len constatait que les gens devenaient franchement désagréables et impolis avec le temps. Il fallait vraiment se croire tout permis pour essayer d'entrer dans une maison à une heure si tardive.



Pendant un instant, il avait envie d'oublier toutes ses responsabilités. De retomber en enfance, d'être libre. Alors c'est avec un sourire joueur, un regard de défi, qu'il adressa ces quelques mots à son amie :



Et sur ces mots, il soufflait l'unique bougie qui était allumée. Elle était posée sur la table basse et avait étonnamment survécu aux projections de Tsubasa quelques instants plus tôt. Ils étaient désormais plongés dans le noir, et on pouvait entendre Len murmurer...

Yasuo, Nakatsu et maintenant Sayan. La liste semblait s'allonger chaque jour un peu plus, au grand dam de la brunette qui avait parfois du mal à contenir ses ardeurs. Feignant l'ignorance et l'impudeur, Tsubasa redressa innocemment le torse et croisa ses bras sur son opulente poitrine. Cet acte sembla lui permettre de reprendre un semblant de calme puisque son visage prit un air plus mature.



Elle n'eut pas le temps de parler plus que déjà, l'on frappait à la porte. Surprise, elle arqua un sourcil et dévisagea Len, lui demandant d'un regard soutenu s'il avait invité du monde ou s'il connaissait déjà l'identité de ce nouvel arrivant. Sa réponse lui prouva que non. Peut-être alors un passant avait entendu ses cris de stupeur lors de l'annonce de la mort de Sayan, peut-être avait-elle attiré l'attention sur sa demeure sans même le vouloir... Ou peut-être était-ce tout autre chose. D'un pas qui aurait pu paraître peu assuré, elle se leva et reprit brièvement ses esprits, les yeux toujours rivés sur la porte.





Elle prit évidemment la peine d'insister sur le dernier mot. L'obscurité tomba sur la pièce lorsque la seule bougie fut soufflée avec soin par le jeune homme.

Tsubasa devait-elle ouvrir la porte ou ignorer cet appel ? Devait-elle suivre les conseils d'un opportuniste ou apporter son soutien à cet inconnu, là, dehors ?
Elle resta planté là, songeuse, jetant de brefs regards à travers la pièce bien qu'elle n'y vît plus rien, pesant le pour et le contre.



Finit-elle par demander après un silence pesant.

Len s'amusait à voir Tsubasa ainsi plantée là. On n'y voyait plus grand chose et il pouvait à peine la distinguer dans la pénombre. Elle ne savait pas si elle devait aller ouvrir, ou ignorer la personne derrière la porte, alors elle s'était contentée de demander : Qui est là ?! Mais après cette question, il devenait assez inopportun de ne pas aller voir. Len se relevait donc en s'appuyant sur la table basse et en prenant les précautions nécessaires pour ne rien faire tomber. L'homme avait récupéré et rallumé la bougie. Il se dépêchait ensuite jusqu'à la porte qu'il ouvrit brusquement devant ce visiteur nocturne.



Le brun s'était adressé à lui d'un ton froid et monocorde, afin de lui faire comprendre qu'il n'était pas le bienvenue à une heure si tardive. Il ne reconnaissait pas l'homme en face de lui, et pour autant, il lui trouvait quelque chose de familier sans savoir dire quoi. Mais Len ne s'expliquait toujours pas les raisons de sa présence ici. C'était le quartier Chikara... Donc sa propre maison ne devait pas être toute proche. Len observait les habitations attenantes. Il y avait des lumières dans bon nombre d'entre elles et ce n'était pas surprenant puisque la nuit venait à peine de tomber. Il était trop tôt pour aller dormir... Mais trop tard pour aller déranger les gens chez eux sans vraie raison.

Il n'existe aucun mot sur Terre pour définir une attente aussi longue que celle que je ressentais actuellement. J'avais eu l'impression que plusieurs heures c'étaient écoulés depuis que j'avais frappé à la porte de cette maison. Peut-être que les habitants de cette maison, de peur, n'avait pas osé répondre à un visiteur nocturne. Néanmoins, j'aurais aimé qu'ils me disent de partir plutôt que rester ainsi devant leur porte à attendre une réponse qui, peut-être ne viendrais jamais.

Et, alors que je m'apprêtais à faire demi-tour et à demander à une maison si il ne connaissais pas un dénommé Takeo Chikara, j'entendis une voix féminine me demander qui j'étais. Sa voix semblait provenir de loin, comme si elle avait demandé cela depuis l'autre bout de la maison. C'était quasi certain à présent, les habitants de cette maison devait avoir peur des visiteurs nocturnes. Pensait-il que les créatures de la nuit devait avoir l'approbation des propriétaires d'une maison afin de pouvoir y entrer à leur tour ?pensais-je en souriant.

Soudain, la porte s'ouvrit brusquement. Et, face à moi, éclairé par une bougie, une personne apparut sur le seuil de la porte. Je ne pus dire si la personne face à moi était un homme ou femme. Son manque de poitrine semblait indiquer qu'il s'agissait d'un homme mais ses longs cheveux, ses yeux de biches et les traits fin de son visage semblait faire de cet homme une femme. Incapable de savoir de quel sexe était la personne, je me tus afin de la laissé parler en premier. Derrière elle, le reste de la maison était plongé dans le noir et, rien ne semblait y bouger. Peut-être s'agissait-il de la femme qui m'avait répondu pensais-je. Mais, au son de sa voix, je sus qu'il s'agissait d'un homme. Et il ne semblait pas content de me voir. Je devais sans doute interrompre quelque chose ...