« Tu es un jeu bien curieux et ouvert d'esprit, Kitai. Tu ne sais nullement comme le monde est compliqué lorsque nous sommes immortels. Je ne comprenais l'intérêt de sacrifier les miens, nous étions de simples bestiaux pour les humains, de véritables monstres. Des contes insultent notre race depuis toujours. Tu le sais aussi bien que moi, non ? Nous ne choisissons pas notre faim. Nous ne choisissons pas notre vie. Auparavant, nous mourrions car nos ennemis étaient nombreux. Aujourd'hui, le monde est bien plus petit et les ennemis bien moins diversifiés. »
« La différence est que je ne connaissais pas ce monde. Je me battais pour mon peuple, pour le protéger. Avec du recul, j'ai finalement eu la chance de comprendre avant de commettre l'irréparable... Si nous sommes trop nombreux et si nous continuons à vaincre, nous ne pourrions plus nous nourrir. Bien des Kenketsu souhaitent créer des fermes à humains. Cette idée me répugne. Je ne souhaite pas tomber aussi bas. »
Pour un si récent immortel, il était bien difficile de comprendre. Un Kenketsu pénétra dans la zone avec un seau de sang frais. Il le posa devant les vampires attachés, le Prince libéra de son emprise celui précédemment immobilisé. Ils se mirent à boire tels des chiens.
« Lors de cette fameuse nuit, j'ai eu le malheur de mordre la mauvaise Gaikotsu. Souhaitant initialement en faire une goule, je succomba à sa beauté et je décida de lui offrir l'immortalité. Elle se réveilla plusieurs jours plus tard, elle était d'une beauté unique et elle me demanda de lui raconter sa vie. Comme tu en doutes, elle était amnésique, le malheur temporaire d'un goule se transformant en Kenketsu... »
« Tu en doutes, jeune Kenketsu. Cette femme était celle de Faust. Elle ne pensa pas l'être pendant des années... Lors de mon combat face à ce Faust, cet homme usa du squelette de chacun des Gaikotsu tués durant la précédente bataille. Jadis, je ne pouvais point imaginer que les membres de cette illustre famille pouvaient vaincre plus de 200 membres de ma propre lignée. »
« Le pouvoir Faust, il le mit au point pour s'en servir afin de réanimer sa belle sans réaliser que celle-ci était alors immortelle. Se sont-ils croisés dans la bataille ? Je ne le sais guère, mais pouvait-il seulement comprendre sa condition ? Ce jour-ci, cette femme se souvint alors de son passé... »
Pourquoi le Prince était-il en train de raconter sa vie ainsi ? Pour une seule raison, il connaissait bien la vie sur le Yuukan et il était parfaitement conscient que cette guerre n'était pas finie. Le Kenketsu n'était pas en train de se faire un allié, mais un confident. Il devait transmettre son savoir, le monde se devait de tourner.
« Tu dois trouver ce conte relativement ridicule. La vie l'est tout autant lorsqu'on y pense. Des batailles pour des territoires, pour des trésors ou pour de la puissance. Notre monde est ainsi. Ridicule. Pour autant, il est nécessaire de le faire tourner pour lui offrir la chance de changer. Les Kenketsu doivent-ils tuer les Gaikotsu ? Les Gaikotsu doivent-ils tuer les Kenketsu ? Je ne cesse d'éviter de tels malheurs, mais je ne suis malheureusement pas vraiment aidé en ce moment... »
Hatsuharu n'y était pas pour rien et il semblait faire des rencontres prometteuses et problématiques. Depuis lors, le Prince ne pouvait point jouer de la vie de ce mauvais fils. Sans quoi, celui-ci serait bien évidemment mort ou attaché à une chaîne.