Le Bellâtre n’était pas surpris, l’avidité chez l’homme n’avait aucune limite. Sous couvert de l’ambition, l’homme devenait un loup pour ses comparses. Et pour le comprendre, il suffisait de faire un simple et triste constat : les malheurs des uns et des autres avaient, très souvent, pour origine, un homme. Cette petite dame n’en faisait pas exception. Mais est-ce que le simple appel de l’avidité l’avait guidé à ouvrir ses premiers établissements de filles et d’opium, le menant de fils en aiguille à devenir le triple baron du crime ? Bientôt, la quasi-totalité des activités illégales et lucratives du quartier des plaisirs allait être sous sa coupe. Mais comptait-il simplement s’arrêter là ? Cela, seul l’oiseau azuré pouvait le savoir…
Alors qu’il allait lui répondre, trois brutes arrivèrent. Lentement, et avec une assurance certaine, l’éphèbe tourna son regard vers les hommes. Il les reconnaissait. Miwaku Raiko connaissait le visage de tous les membres de son clan, sans exception, y compris ceux ayant sombré dans les folies des grandeurs, en tentant de manière plus qu’approximative, de suivre son exemple. Malheureusement, aucun d’eux n’avait réellement compris l’essence de son travail. Et il fallait le dire, le Proxénète avait un don. Chaque entreprise qu’il touchait de ses doigts délicats connaissait un élan prospère.
Sans surprise, la jeunesse imprudente faisait son office. Les imbéciles braillaient en l’air des vilenies, s’assurant par un grossier surnombre de l’obéissance de la Demoiselle. Qui ne tarda pas de réagir à leurs provocations. Et alors qu’elle se préparait à en découdre, le Bellâtre posa une délicate main sur l’épaule de Kazuko, déployant par la même un éventail aux lames faisant briller la lumière du soleil couchant.
« Allons, allons, Messieurs, inutile de paraître comme des vulgaires butor* pour émettre vos demandes. Mais voyez-vous, il semblerait que dans votre rudesse, vous ayez interrompu une délicieuse conversation… »
Le Bellâtre effectuait un petit sourire…
« Miwaku Goro, Kenzan, et Banri… »
L’évocation des noms des trois brutes les stoppèrent net dans leur agressivité. Le Bellâtre les fixait alors toujours avec un sourire, mais qui paraissait désormais… inquiétant.
« Ne vous a-t-on jamais rien appris de l’art de l’intimidation ? Être vous tant gougnafier* que même les bases de la conversation vous sont inaccessible ? »
Le Bellâtre fit un pas en avant, assuré. Les trois hommes apparaissent alors surpris, et se mirent à douter.
« Votre petit établissement de pacotille ne doit sa naissance que par ma fortuite absence. Et sa survie par mon simple plaisir de voir des êtres misérables comme vous se morfondre dans une lente agonie… »
Le Bellâtre effectua une belle révérence, parfaitement exécutée.
« Permettez que je me présente : Miwaku Raiko. »
L’éphèbe lâcha un petit rire sarcastique. Il connaissait sa réputation, tout comme ces hommes. Personne ne travaillant dans le quartier des plaisirs n’ignorait le monopole écrasant du triple Baron du Crime.
« Enfin, votre piètre démonstration de force ubuesque ne fut que peu divertissante… Voici ce que nous allons faire… »
Il fixa les hommes d’un air incisif. Le ton était clairement autoritaire.
« Si vous ne souhaitez pas perdre tout ce qui vous ai cher, je vous conseille vivement de déguerpir et de ne rien tenter de trop cavalier au retour dans votre petit trou à rat. Je suis un homme de patience… Mais il apparaît clairement que vous dépassez les règles de la bienséance. »
Il afficha un sourire.
« Où alors vous pouvez tenter de venir prendre cette petite dame de force… Acte qui se soldera par une issue plus qu’incertaine... Pour vous, bien évidemment. »
Les hommes étaient clairement hésitants. Tous ici qui ne portaient pas le nom de Hattori étaient hésitants à se frotter à lui. Le Bellâtre était détesté, c’était certains, mais au-delà de cet état de fait.
Il était craint.
HRP : Je te laisse faire agir les hommes.
HRP : Butor : Personne lourde, grossière, stupide. Balourd / Lourdeau.
Gougnafier : Bon à rien, rustre, qui ne sait rien faire de bien.